Deuil

Nous ne sommes que de passage,
Un jour il nous faudra partir
En abandonnant ce vieux monde.
Qui pourrait bien dire à quel âge
Nous quitterons cette vie ?
Qui peut connaître la seconde
Où la mort viendra nous cueillir ?

Jeune, mûr ou plus âgé,
Seul ou bien accompagné
En pleine forme ou malade,
Avec sa santé mentale,
Toutes ses capacités,
Ou en étant amoindri
Parfois si diminué
Qu’on ne veut plus continuer
À poursuivre une existence
Désormais privée de sens…

Juste avant de nous en aller
Aurons-nous le temps de penser,
Faire le bilan de notre vie,
Rêver à nos amours passées,
À ce qu’on laissera après,
À nos enfants, à nos amis,
Ceux qui ont partagé nos vies
Un instant, mais qui ont compté
Plus qu’on ne peut l’imaginer ?

Malgré les erreurs et les doutes,
Les désirs trop vite étouffés,
Je voudrais vivre et assumer
Jusqu’au bout les choix que j’ai faits,
Profiter simplement des cadeaux de la vie
Goûter la fantaisie trop souvent dénigrée
Et ne rien regretter.

Vivante

Je me sens libre comme jamais,
Je suis vivante et m’en étonne.
Je retrouve des sensations
Disparues depuis si longtemps ;
Des désirs que je croyais morts.

J’observe mon image,
Debout devant la glace,
Avec un œil nouveau ;
Ni tout à fait la même,
Ni tout à fait une autre…

Est-ce moi ? Qui le sait ?
Je ne reconnais pas
Celle dont le miroir
Me renvoie le reflet…

J’ai vécu cette vie,
J’ai voulu mes enfants,
Je me suis oubliée
Mais il est encore temps
De redresser la barre,
De hisser la grand-voile
Et d’aller de l’avant.

Tu as presque vingt ans

Tu as presque vingt ans,
Le monde te sourit
Et tu souris au monde,
Te sentant protégée
Des blessures de la vie,

Heureuse quelquefois,
Plus sûre de tes choix,
Peut-être un peu spéciale
Mais juste ce qu’il faut ;
Sans être originale
Ni suivre le troupeau.

Tu crois que ta morale
Et tes beaux idéaux,
En te servant d’armure
Traceront sur ta route
Un chemin de droiture
Que suivront ton conjoint,
Tes amis, tes enfants…

Et puis longtemps après,
S’efface le mirage ;
Vingt années ont passé
Et même davantage,
Lorsque tu te rends compte
Que tu es seule au monde.

Tu n’es qu’un point lambda
Perdu dans l’océan
D’une marée humaine,
En manque de repères,

Tu nages de ton mieux
Mais à contre-courant,
Les vagues en passant
Te font boire la tasse ;

Que faut-il que tu fasses
Pour garder hors de l’eau
Ton âme qui suffoque,
Étouffée par ces flots ?

Reprends un peu ton souffle
Ne retiens pas tes larmes ;
Inspire l’air du large,
Gonfle bien tes poumons
Sans jamais quitter des yeux
La terre qui s’avance un peu,
Là-bas, près de l’horizon.

J’avais arpenté ces rues

J’avais arpenté ces rues
À quinze ans à peine,
Immergée dans l’inconnu
Et peut-être belle

Me revoici à nouveau
À quarante et quelques,
Le cœur encore bien pataud
Quoi que bien plus vieille.

Je ressens de ces années
Un poids sur la tête ;
Bien sûr j’ai évolué,
J’ai appris de mes échecs,
J’ai cherché, recommencé…

J’ai voulu rester la même,
Mais les coups durs de la vie
Ont chamboulé mes envies,
Ont émoussé ma confiance,
Ont épuisé ma patience,

Ont transformé le regard
Que je posais sur les choses,
Sur les gens, et je comprends
Que les épreuves nous font,
Changer intérieurement.

Mais la somme des malheurs
Et de chacun des bonheurs
Que nous perdons ou gagnons,
À mesure que le temps passe,
Fait qu’un beau jour on se lasse
De devoir toujours se battre
Pour se frayer une place,
Au cœur de la société
Où pourtant nous sommes nés.

La violette

Après la multitude de teintes des lilas,
Le mauve des glycines, celui des paulownias,
Voilà que la violette fait son apparition.
 
Venue tout droit d’Auvergne, printanière vision,
Avec ses feuilles vertes qui lui font un écrin,
La modeste diffuse son délicat parfum
À tous ceux qui se penchent au-dessus de sa tête.
 
Que de plaisirs offerts qui ne demandent rien
Qu’un peu d’humilité, de cœur et d’attention,
Pour qui sait éveiller ses sens à cette quête !
 
Le temps passe un instant en douce floraison,
L’insecte diligent récolte son pollen,
Puis elle fane, dessèche, en préparant ses graines.
 
La fleur, allégorie de notre destinée,
Nous amène en douceur à notre vérité,
Évoquant du tréfonds de sa fragilité
L’impermanence même de notre condition.